Les données GPS présentées à la figure 7.10 permettent d'établir une chronologie de la déformation de l'édifice. Le 30 mars, seules les stations localisées dans le motif de déformation d à l'est du Dolomieu enregistrent des déplacements. Ces déplacements correspondent à une inflation brutale et sont cohérents avec les données InSAR. Le motif de déformation d correspond donc à la mise en place de l'injection de mars. L'orientation nord-sud du motif d suggère que cette injection est aussi orientée dans l'axe nord-sud. Ce constat est en accord avec le modèle conceptuel de [Staudacher et al.(2009)] qui propose deux injections, une pour chaque fissure éruptive.
![]() |
À partir du 30 mars toutes les stations enregistrent des déplacements cohérents avec une subsidence générale de l'Enclos Fouqué : les stations localisées à l'ouest du Dolomieu enregistrent des déplacements vers l'est, les stations localisées au nord des déplacements vers le sud, celles au sud vers le nord. Les stations localisées à l'est du Dolomieu enregistrent des déplacements vers l'ouest sauf la station FLR qui part vers l'est. Ces déplacements sont cohérents avec le motif e (Fig. 7.8), correspondant à une subsidence de la partie ouest de l'Enclos. Cette subsidence est visible sur les données GPS des stations les plus éloignées du cratère jusqu'au 10 avril (stations CHA, CHF, FJS et RIV). [Peltier et al.(2009b)] ont modélisé la source à l'origine de ces déplacements en ne prenant en compte que les déplacements entre le 2 avril et le 5 avril. La source trouvée est un ellipsoïde prolate localisé sous le Dolomieu dont l'axe long est orienté verticalement. La subsidence est interprétée comme la conséquence de la remonté d'une cavité en déflation durant l'effondrement. Cependant, cette interprétation n'explique pas pourquoi cette subsidence est toujours enregistrée après la fin de l'effondrement par les stations périphériques, ni pourquoi elle s'arrête le 10 avril. Les modèles calculés par [Peltier et al.(2009b)] ne présentent pas d'intervalles de confiance pour les paramètres géométriques de la source. Comme cette subsidence affecte l'Enclos dans son intégralité (Fig. 7.8 et 7.9) , il est probable que la source à l'origine de ces déplacements soit plus profonde que ce que proposent [Peltier et al.(2009b)]. Une telle source en déflation pourrait alors correspondre à un réservoir magmatique en cours de vidange après l'intrusion du 30 mars et continuant de se vidanger après l'effondrement du 5 avril.
Nous avons mentionné que la station FLR continue à enregistrer des déplacements vers l'est après l'injection du 30 mars. La figure 7.11 montre qu'avant l'éruption du 30 mars, la station n'enregistre pas de déplacements. La station est brutalement décalée vers l'est au moment de l'injection du 30 mars, puis continue à se déplacer progressivement après l'injection.
Ces déplacements ne sont donc pas cohérents avec la subsidence générale de l'Enclos centrée sur le Dolomieu, amorcée le 30 mars et enregistré par les autres stations. Cette station est localisée dans la partie est du motif de déplacement d causé par l'injection du 30 mars. Les déplacements vers l'est ne sont donc pas non plus cohérents avec une vidange partielle du dyke de mars. En effet, les déplacements devraient alors se faire vers l'ouest. La station FLR est aussi localisée sur le motif de déplacement a caractéristique de la déstabilisation des Grandes Pentes. Les déplacements verticaux enregistrés après l'injection indiquent une subsidence alors que cette station est localisée sur une zone en inflation (Fig. ). Cette apparente contradiction est due au fait que l'inflation provoquée par l'injection n'est que partiellement compensée par la subsidence post-injection.
![]() |
Les déplacements enregistrés par la station FLR après la mise en place de l'intrusion du 30 mars pourraient être dus à la déstabilisation des Grandes Pentes (motif de déplacement d). Selon cette hypothèse, comme les déplacements commencent juste après la mise en place de l'intrusion, on peut supposer que cette dernière est à l'origine du glissement des Grandes Pentes.
Aucune station GPS n'étant disponible dans les Grandes Pentes, il n'est pas possible de contraindre le moment ni la durée de mise en place de l'inflation visible dans les Grandes Pentes. Cependant, le motif de déformation b reliant la fissure éruptive du 2 avril et le maximum de déplacement des Grandes Pentes est probablement dû à une intrusion. Cette intrusion ne semble pas s'enraciner sous le Dolomieu, mais plutôt sous les Grandes Pentes. L'inflation visible dans les Grandes Pentes pourrait alors être due au remplissage d'un réservoir temporaire, au niveau duquel s'enracinerait l'intrusion du 2 avril. Ce remplissage aurait donc commencé avant le 2 avril. Ce mécanisme peut aussi expliquer le glissement des Grandes Pentes : le remplissage du réservoir temporaire aurait déstabilisé le flanc. [Famin et Michon (2010)] ont montré que des injections sont probablement à l'origine des grands glissements de flancs dont les cicatrices sont observables au niveau du Piton des Neiges. Ce mécanisme n'exclut pas l'hypothèse considérant que le glissement du flanc a été provoqué par l'intrusion du 30 mars. Les deux mécanismes - intrusion du 30 mars et mise en place d'un réservoir temporaire - ont pu provoquer simultanément le glissement du flanc.
Les stations GPS proches du Dolomieu enregistrent les déplacements causés par l'effondrement du 5 avril, largement décrits par [Michon et al.(2011),Staudacher et al.(2009)]. Ces déplacements sont cohérents avec le fort gradient de déplacements visible en périphérie du cratère. Jusqu'à la fin de l'éruption, ces déplacements suivent une dynamique exponentielle caractéristique d'un retour à l'équilibre après une perturbation.
kunos 2014-07-01