Le cycle éruptif commencé en 1998 semble s'être terminé lors de l'éruption d'avril 2007, après laquelle le volcan a connu une période de repos d'un an et demi. Cette éruption a été marquée par l'effondrement du Dolomieu sur plus de 300 mètres de haut, ainsi que par les plus gros volumes de laves émis durant ces deux derniers siècles. Deux fissures éruptives se sont ouvertes. La première, apparue le 30 mars, est localisée au sud-est de la base du cône central. La seconde, à l'origine de l'éruption du 2 avril, est localisée dans les Grandes Pentes, contre le rempart du Tremblet, à plus de 5 km à l'est de la première fissure (Fig. I.4).
L'instrumentation de mesure de la déformation in situ (station GPS, inclinomètres, extensomètres) était essentiellement concentrée au niveau du cône central lors de cette éruption. Ces instruments ont principalement enregistré la déformation provoquée par l'intrusion du 30 mars [Peltier et al.(2009b), Staudacher et al.(2009)] ainsi que celle associée par l'effondrement du Dolomieu [Staudacher et al.(2009), Michon et al.(2011)]. Aucun instrument n'a donc pu suivre la déformation des Grandes Pentes ni celle associée à la fissure du 2 avril.
Cette éruption a été suivie depuis l'espace par le Service d'Observation OI (Observatoire InSAR de l'Océan Indien) et le calcul de nombreux interférogrammes a permis de cartographier la déformation de l'ensemble de l'édifice. La figure I.5 montre deux de ces interférogrammes, le premier couvre l'intégralité de l'éruption et le second la période post-éruptive. Ces données montrent que durant l'éruption, la déformation la plus importante a eu lieu au niveau des Grandes Pentes, à plusieurs kilomètres des fissures éruptives et du cratère Dolomieu. Par ailleurs, l'interférogramme couvrant la période post-éruptive montre que la déformation de l'édifice s'est poursuivie plus d'un an après la fin de l'éruption, tant dans les Grandes Pentes qu'au niveau du cône central.
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Les déplacements les plus importants sont généralement associés à l'injection de dykes [Toutain et al.(1992)]. Depuis 1998, année à partir de laquelle a commencé la surveillance du volcan par interférométrie radar, la caractérisation des déplacements associés à ces injections a pu être affinée grâce à l'utilisation de procédures de modélisation pouvant prendre en compte des géométries de dykes réalistes [Froger et al.(2004), Fukushima et al.(2005), Tinard et al.(2007)].
Les déformations inter-éruptives sont de faible amplitude [Tinard et al.(2007), Peltier et al.(2009a)]. La déformation enregistrée durant l'éruption d'avril 2007 est donc exceptionnelle d'une part parce que la localisation du maximum de déformation est éloignée des fissures éruptives et d'autre part parce que la déformation post-éruptive a été de forte amplitude et a duré plus d'un an.
Ces observations nous amènent à nous demander quelle est l'origine de la déformation, à la fois au niveau du cône central et au niveau des Grandes Pentes. L'un des objectifs de cette étude est d'essayer de proposer des mécanismes pour expliquer ces comportements dépendant du temps mais aussi la localisation des motifs de déformation. Au delà de la recherche de la cause des processus responsables des déplacements, on cherchera aussi à confronter les informations fournies par les données InSAR aux différents modèles conceptuels proposés dans la littérature pour expliquer la structure Enclos-Grandes Pentes-Grand Brûlé.
Nous présenterons dans la première partie, la méthode d'interférométrie radar et les particularités du calcul interférométrique au Piton de la Fournaise. Les traitements appliqués aux interférogrammes seront détaillés et nous insisterons sur la méthode d'interpolation temporelle, développée afin de faciliter l'étude de déplacements continus dans le temps.
Dans la seconde partie, nous présenterons différentes méthodes de modélisation numérique, permettant de contraindre la géométrie et les paramètres physiques des sources à l'origine des déformations enregistrées. Une attention particulière sera accordée à la méthode de tomographie de déplacements, en partie développée durant cette thèse.
La troisième partie sera entièrement consacrée à l'éruption d'avril 2007. Après avoir détaillé la chronologie de l'éruption, nous étudierons la déformation de l'édifice en couplant les données interférométriques et GPS. Cette étude permettra d'identifier les différents processus et les sources potentielles à l'origine de la déformation. Nous utiliserons ensuite les méthodes de modélisation afin de contraindre la géométrie et la déformation de ces sources. Enfin, nous proposerons une chronologie des différents événements ayant eu lieu durant cette éruption.
Une partie de ce travail a consisté au développement d'outils informatiques concernant les procédures développées durant la thèse (interpolation temporelle d'interférogrammes, tomographie de déplacements), mais aussi pour l'amélioration d'algorithmes d'inversion. Afin de faciliter la prise en main des différents codes, de nombreux utilitaires interfacés ont été codés et intégrés dans une boîte à outils dédiés à l'interférométrie radar. La dernière partie de cette thèse présentera cette boîte à outils et pourra servir de guide d'utilisation.
kunos 2014-07-01